Le 4 juillet 1943, le général Władysław Sikorski, chef des forces armées et Premier ministre du gouvernement polonais en exil de 1939 à 1943, perd la vie à Gibraltar, victime d’un accident au décollage de son avion. Même si la date du 80ème anniversaire de ce drame est passée depuis quelques mois, et que Sikorski n’a jamais siégé à Pignerolle pour exercer ses fonctions, l’historien Jean-Luc Coifard nous livre dans un premier volet le fruit d’un demi-siècle de recherches.
Angers, 30 mars 1940 : cérémonie de remise des bannières aux sapeurs polonais en France. Le général Władysław Sikorski remet la bannière. A gauche, le colonel Alexandre Kędzior (collection Narodowe Archiwum Cyfrowe)
Après la défaite de la Pologne submergée par l’armée allemande depuis le 1er septembre, le général Sikorski arrive en gare Saint-Laud le 22 novembre 1939 à 14h40. Il ne résidera jamais à Pignerolle, dont le château est réservé à la présidence de la République polonaise, mais d’abord au château de la Colleterie (contracté en Coltrie sur les cartes postales anciennes) à Saint-Lambert la Potherie, puis à Saint-Sylvain d’Anjou au château des Perruches.
Le château de la Colleterie, première résidence du Général Sikorski à Saint-Lambert la Potherie, aujourd'hui disparu (collection privée)
Le château des Perruches à Saint-Sylvain d'Anjou, deuxième résidence du Général Sikorski (état avant sa restauration récente - photo JL Coifard)
C’est à Angers que siège son gouvernement, d’abord à l’hôtel de la Morinière, à l’angle des boulevards Foch et du Roi René (aujourd’hui disparu, mais une plaque en rappelle le souvenir sur le mur de l’immeuble construit à son emplacement), pour laisser place ensuite au ministère des affaires étrangères et se retirer plus loin, au 21 boulevard Foch. Sikorski était cependant rarement présent dans la capitale angevine, se rendant le plus souvent en inspection auprès de ses unités militaires en formation dans les Deux-Sèvres et en Bretagne.
L'hôtel Le Bault de la Morinière en mars 1970 (collection Archives Municipales d'Angers)
Emplacement de l'ancien hôtel de la Morinière, siège du gouvernement polonais en exil,
puis du ministère des affaires étrangères
Jean-Luc Coifard, à propos de ses recherches sur le gouvernement polonais en exil en Anjou :
Intéressé très tôt par l’histoire de Pignerolle, je me suis naturellement penché sur cet épisode majeur de la présence polonaise à la charnière des années 1939 et 1940, et c’est à partir des années 1970 que je commence à faire des recherches sur l’exil du gouvernement polonais à Angers et Pignerolle. En 1976, je publie "Pignerolle, folie au pays des closiers et des perrayeux" à l’occasion du bicentenaire du château.
Encouragé par les maires successifs d’Angers, Jean Turc, Jean Monnier, et Jean-Claude Antonini, je poursuis alors mes recherches et mes voyages entre l’Angleterre, l’Allemagne et la Pologne. Le recueil de témoignages inédits me permet enfin de publier de nouvelles éditions en 1992 et en 2006 sous le titre "Domaine de Pignerolle, témoin d’une grande Histoire".
"Pignerolle, c’est votre château !" m’avait dit Jean Turc dans son immense cabinet de l’ancienne et belle mairie d’Angers, très soucieux qu’il était de la sauvegarde du château devenu propriété du District Urbain d’Angers en 1971. Henri Enguehard, architecte des monuments historiques avait veillé au mobilier du garde-meuble national mis en dépôt à Pignerolle lors de l’installation du Président de la République polonaise Wladyslaw Raczkiewicz et réutilisé plus tard par les Allemands et la Kriegsmarine. L’architecte m’entretenait régulièrement de l’histoire du domaine, de ses propriétaires Monsieur de Saint-Chamant, maire de Saint-Barthélémy (1909-1930), et de l’attachement de sa femme et de sa famille pour cette belle propriété, habitée à la belle saison, acquise et modernisée dès 1909. Madame de Dreux-Brézé, leur fille, n’a jamais voulu retourner à Pignerolle après le départ des Allemands, désirant garder l’image du domaine vu par ses yeux de jeune fille. Henri Enguehard précisait dans la belle préface qu’il m’avait dédiée en 1976 : "J’ai récupéré avec peine le mobilier du garde-meuble national mis en dépôt à Pignerolle en 1940. J’ai établi le dossier de dommage de guerre et le dossier de proposition de classement parmi les monuments historiques et j’ai travaillé à sa restauration."
Suite dans notre prochain volet : Une longue quête de documents...
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